La semaine dernière a marqué le début du nouvel an au Myanmar. La fête de Thingyan est généralement célébrée pendant une semaine entière: on s’asperge d’eau dans des jeux joyeux – ce qui apporte un peu de fraîcheur en cette période de chaleur. Il y a aussi des chants, des danses et des festins. Cette année, tout est différent.
Le Myanmar est un pays en proie à de multiples crises, la dernière en date étant un tremblement de terre dévastateur. Il a révélé à quel point la vie est fragile pour celles et ceux qui sont déjà marginalisés et dont le quotidien difficile est aujourd’hui aggravé par cette nouvelle crise. Face aux circonstances dévastatrices, les individus et les communautés font preuve d’une résilience remarquable – une force sur laquelle s’appuyer.
Les premières activités de recherche et de sauvetage étant terminées, nous avons lancé des mesures d’aide d’urgence ainsi qu’une évaluation des besoins pour les mois à venir. Nous avons en tête le séisme de 2015 au Népal, à la suite duquel Helvetas avait également coordonné une réponse d’urgence.
Accès aux zones sinistrées
Il n’est jamais facile d’atteindre des personnes prises dans des zones d’instabilité politique. Le territoire touché par le tremblement de terre au Myanmar comprend des régions sous le contrôle du gouvernement militaire, des zones sous le contrôle des rebelles ainsi que des zones contestées. Le principe humanitaire de non-discrimination stipule que toute personne blessée et/ou ne pouvant pas subvenir à ses besoins essentiels en raison d’une catastrophe a droit à de l’aide, indépendamment de ses opinions politiques et de toute autre appartenance.
GDans les zones de crise marquées par des conflits, les personnes les plus vulnérables sont souvent les plus difficiles à atteindre, alors que ce sont elles qui ont le plus besoin d’aide. Le défi consiste dès lors à trouver le moyen de parvenir jusqu’à elles?
Présente au Myanmar depuis 2013 (alors que l’accès au pays n’était, pour l’essentiel, pas restreint), Helvetas a déjà beaucoup travaillé avec les communautés des régions aujourd’hui touchées par le tremblement de terre et peut s’appuyer sur des partenaires locaux de confiance. Nous avons donc été en mesure de mobiliser rapidement du personnel et des partenaires locaux auparavant impliqués dans un projet de réponse aux inondations et qui ont pu s’appuyer sur leurs connaissances pour donner la priorité aux personnes les plus vulnérables.
De l’aide en espèces pour un soulagement immédiat
Lors des opérations d’aide d’urgence au Népal, nous avions vu les habitants et habitantes d’autres régions du pays faire de généreux dons de nourriture, coordonnés par les organismes de secours. Pourtant, dans la plupart des cas, les marchés locaux fonctionnaient encore et la nourriture était disponible. Il n’était donc pas nécessaire de la faire venir; d’autres problèmes étaient bien plus urgents.
Les corps non retrouvés commençant à se décomposer sous l’effet de la chaleur et le risque de maladie était élevé, notamment à cause de l’eau insalubre. Les survivants se sont regroupés pour faire leur possible et ont cherché un soutien approprié.
Notre première évaluation au Myanmar est similaire: c’est la même période de l’année et les marchés continuent de fonctionner. Les habitantes et les habitants campent en plein air et cuisinent sur des feux ouverts, mais ne souffrent pas de la faim. Ils et elles ne sont pas non plus passifs.
Ce dont ils disent avoir besoin, c’est d’eau potable et d’argent pour acheter des produits de première nécessité – notamment certains aliments, mais surtout des médicaments et des produits d’hygiène. L’accès à ces articles est particulièrement important pour les femmes, compte tenu de leurs besoins en matière de santé et d’hygiène menstruelles.
Nous avons donc commencé à distribuer de l’argent en espèces, en nous concentrant sur les 10% de familles les plus vulnérables – celles qui ont perdu des membres actifs clés, dont les maisons sont trop endommagées pour y habiter ou qui luttaient déjà pour survivre avant le séisme.
Nous avons jusqu’à présent atteint près de 1800 ménages*, nous appuyant sur des bénévoles au sein de la communauté – généralement des jeunes qui savent lire, écrire et compter – pour confirmer que les ménages correspondent à nos critères de vulnérabilité. Le recours à des bénévoles permet non seulement un ancrage local, mais contribue aussi à renforcer la confiance dans l’équité du processus.
Avant de commencer ce travail, les bénévoles, ainsi que tous les membres de notre personnel, ont suivi une formation pour comprendre les critères de sélection, la signification de l’approche «Do No Harm» (ne pas nuire) et comment assurer une identification proactive des personnes les plus marginalisées.
Comme le montre cette citation d’un chef de village, cette manière de procéder a été bien accueillie:
«J’apprécie votre processus de suivi et de sélection qui consiste à vérifier auprès de chacun des ménages s’il a été gravement touché par le tremblement de terre. Il est très transparent et clair pour les villageois [comme base] pour prendre des décisions sur l’aide. Sinon, les gens pourraient penser que le chef de village a un parti pris», déclare-t-il. «Il s’agit de la première organisation dans le village, personne ni aucune autre organisation ne nous a soutenus jusqu’à présent, car leur attention se concentre sur la ville et les zones à forte visibilité. Les autorités locales ont recueilli des informations, mais elles ne se sont pas encore venues ici.»
Il est à souligner que les conditions locales varient considérablement en fonction de l’organisation qui a le contrôle. Nous avons ainsi vu des endroits où une unité médicale gérée par le gouvernement fonctionne bien ou encore où un administrateur de village prend en charge la coordination. Mais la situation peut être complètement différente quelques kilomètres plus loin.
Par ailleurs, le pourcentage de bâtiments détruits varie considérablement. La situation reste instable, les besoins et les capacités évoluant d’un endroit à l’autre. Les évaluations sur place sont donc essentielles pour déterminer les besoins ménage par ménage tout en faisant preuve de sensibilité aux conflits et en appliquant l’approche «Do No Harm».
Participer aux efforts de coordination
La coordination est cruciale dans le contexte souvent difficile de l’aide humanitaire. En général, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) se charge de la direction des opérations dans un premier temps. Il est présent à Mandalay et travaille avec différents acteurs. Comme nous l’avions fait au Népal, nous suivons ses lignes directrices, par exemple en matière de distribution d’argent en espèces, avec un montant équivalent à 82 dollars par ménage. Le fait que le chef de village interrogé n’ait pas vu d’autres organisations humanitaires est aussi, du moins partiellement, le résultat de cette coordination, puisqu’Helvetas a indiqué les villages où elle allait intervenir.
Quelle suite?
Si le temps est actuellement chaud et généralement sec, la saison des moussons débutera en juin, apportant de fortes pluies, des vents violents et des inondations. Une bonne préparation est essentielle. Nous basant sur les demandes des communautés et l’analyse des équipes sur place, nous mettrons l’accent sur les besoins fondamentaux suivants, en plus de l’aide financière essentielle.
Erste Schritte
Kits d’hygiène
Le maintien d’une bonne hygiène même dans des circonstances difficiles est essentiel à la fois pour la santé et la dignité personnelle, en particulier pour les femmes et les jeunes filles. Nous distribuerons ces kits aux personnes qui en ont le plus besoin.
Abris
avec l’arrivée de la mousson, des abris temporaires solides sont nécessaires de toute urgence pour fournir une protection immédiate aux habitantes et habitants qui ont perdu leur maison. Nous organisons la fourniture de bâches, de tentes fabriquées localement, de nattes de bambou et de toits en bois en fonction des besoins locaux.
Soutien psychosocial
un tremblement de terre est une expérience extrêmement traumatisante, surtout si l’on a perdu des proches et/ou si l’on a vu ses moyens de subsistance détruits. Le soutien psychosocial est donc lui aussi essentiel. Nous travaillerons en étroite collaboration avec le Mental Health and Psychosocial Support Working Group (groupe de travail sur la santé mentale et le soutien psychosocial) pour veiller à ce que les personnes traumatisées reçoivent l’aide dont elles ont besoin pour gérer ce qu’elles ont vécu, retrouver des forces et s’adapter à la nouvelle situation.
Redressement sur le long terme
Approvisionnement en eau potable
l’accès à l’eau potable est vital pour les communautés, en particulier dans les zones où l’approvisionnement en eau est limité en raison d’endommagement des infrastructures de transport et d’électricité. Nous identifierons les structures qui peuvent facilement être remises en état et celles qui nécessitent une reconstruction plus longue – impossible à réaliser avant la mousson – et organiserons les activités en conséquence.
Reconstruction à l’initiative des propriétaires
Bien qu’il ne soit généralement pas possible de reconstruire les maisons pendant la mousson, nous pouvons commencer à organiser des mécanismes de formation et de soutien financier. Au Népal, nous avions lancé un vaste programme qui avait permis d’améliorer les compétences des spécialistes locaux en maçonnerie et en construction en matière de techniques de construction antisismique. Ainsi, les maisons reconstruites répondaient aux normes de sécurité de base. Nous prévoyons un programme similaire au Myanmar, en nous inspirant des leçons tirées du Népal.
Rétablissement des moyens de subsistance
De nombreuses familles ont perdu non seulement leurs maisons, mais aussi leur source de revenus. Le recouvrement des moyens de subsistance constituera une priorité dans les mois à venir, qu’il s’agisse d’aide à la reprise de l’agriculture et de l’élevage à petite échelle, de travail contre rémunération(cash-for-work) ou de possibilités de formation professionnelle. Permettre aux habitantes et aux habitants de rebâtir leur vie va de pair avec la reconstruction de leurs moyens de subsistance.
*État au 13 mai 2025: plus de 5000 ménages
À propos des auteurs et de l’autrice
Prabin Manandhar est directeur pays d’Helvetas Myanmar et ancien directeur pays d’Helvetas Népal.
Hein Zaw est conseiller Eau, alimentation et climat chez Helvetas Myanmar.
Ye Win Paing est suppléant du directeur pays chez Helvetas Myanmar.
Jane Carter est conseillère senior pour la gouvernance des ressources naturelles chez Helvetas.