Concevoir son propre lieu de vie
Une sorte de quotidien se met doucement en place dans le camp de réfugiés. Ces derniers – et les organisations qui les soutiennent – ont enfin la possibilité de s’occuper de questions encore inenvisageables après l’arrivée des Rohingyas au Bangladesh, mais indissociables d’une vie un tant soit peu ordonnée: alimentation équilibrée, hygiène et sécurité personnelle. Dans les premiers mois qui ont suivi l’exil massif, les Rohingyas ont dû lutter pour leur survie. Il a fallu construire des abris et des chemins, trouver de quoi manger, creuser pour avoir de l’eau. Et des organisations comme Helvetas ont mobilisé les énergies pour installer des latrines afin de prévenir l’apparition de maladies.
Devant l’une des latrines situées dans un souscamp, à quelques kilomètres de celui de la famille de Sarah, un groupe de jeunes hommes discute avec animation d’un objet se balançant négligemment au-dessus de leurs têtes, mais qui a représenté un grand changement pour tous: une ampoule électrique.
Que cette ampoule se trouve ici ne va pas de soi. Les réfugiés n’ont quasiment pas accès à l’électricité dans le camp, et le soir, il fait noir. C’est dangereux pour celles et ceux qui se rendent aux toilettes ou qui, pour une autre raison, doivent quitter leur abri la nuit. À certains endroits, des lampes solaires éclairent chemins et places, mais leur nombre n’est pas suffisant et elles ne cessent d’être volées ou cassées.
Un groupe de garçons a donc suggéré de tirer une ligne électrique fixe dans le camp et d’y suspendre des ampoules électriques. Le groupe a été formé sur incitation de l’organisation PIN (People In Need) avec qui Helvetas collabore. L’organisation tchèque instaure des rencontres régulières de jeunes filles, garçons, femmes et hommes, qui discutent séparément dans des groupes de la façon dont la sécurité au camp pourrait être améliorée. Les groupes sont répartis selon l’âge et le sexe afin que les filles et les jeunes femmes puissent parler librement, et que les garçons puissent se faire entendre. Discuter de comment rendre la vie dans le camp plus supportable et de comment résoudre ensemble des questions simples donne l’opportunité aux Rohingyas de façonner à nouveau eux-mêmes une partie de leur quotidien. Leurs initiatives sont récompensées par de petites contributions de soutien.
Le groupe des garçons a proposé d’illuminer les places devant les latrines. Ils ont reçu l’argent pour acheter le matériel et, grâce à leurs talents de négociation, ont réussi à tirer un câble électrique depuis l’extérieur du camp et à installer un système d’éclairage simple mais efficace. «Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli», déclare Mohamad, 18 ans, chef informel du groupe des garçons, tandis qu’il montre le fruit de leurs efforts au conseiller Rafik.