L'eau de mer suscite de nombreux espoirs, à commencer par celui de remédier au manque croissant d'eau. Mais le prix de cette désalinisation est élevé, en raison de la forte consommation d'énergie et de l'impact négatif sur l'environnement. Pourtant ce n'est pas une fatalité, pour autant que les installations de dessalement fonctionnent avec de l'énergie renouvelable et que l'eau traitée ne soit pas utilisée pour une agriculture orientée vers l'exportation. De plus, les pays pauvres ont aussi besoin d'un accès à l'eau dessalée.
L’eau c'est la vie, mais elle est aussi source de dangers et de destruction. La hausse des températures fait fondre les calottes polaires et les glaciers, et fait monter le niveau des mers. Partout dans le monde, le régime des précipitations est en train de changer. Les conditions météorologiques extrêmes, comme les inondations destructrices et les sécheresses potentiellement mortelles, augmentent et deviennent encore plus probables à chaque dixième de degré de réchauffement climatique.
Aujourd'hui déjà, 25 pays, abritant un quart de la population mondiale, souffrent d'un «stress hydrique» extrêmement élevé: dans de nombreuses régions, la disponibilité d'eau douce diminue en raison de la hausse des températures et de l'évolution des régimes de précipitations. Une consommation d'eau trop importante pour l'industrie et l'agriculture à grande échelle assèche les nappes phréatiques, les ruisseaux et les rivières. De plus, les pesticides et les déchets industriels polluent d'importantes sources d'eau douce, ce qui contribue également à la pénurie d'eau.
Une gestion équitable et durable de l'eau est essentielle pour les populations. Ainsi, la production de denrées alimentaires selon des approches agroécologiques, qui utilise l'eau avec parcimonie et préserve les sols et le climat, sera de plus en plus importante à l'avenir. Et comme 153 pays partagent l'eau avec un autre État, des accords transfrontaliers doivent être conclus pour que les réserves hydriques communes soient utilisées avec modération et dans l'intérêt mutuel. Si des conflits autour de l'eau menacent, des plateformes de dialogue et une «diplomatie de l'eau», par exemple la «Blue Peace Initiative» suisse, sont nécessaires pour réunir les différents pays riverains autour de la table et chercher des solutions. L'eau peut ainsi devenir un instrument de paix.
Le besoin d'eau propre et disponible augmente
Une autre solution consiste à désaliniser l'eau de mer pour obtenir de l'eau douce supplémentaire. Les océans couvrent 71% de la surface de la terre, mais seuls 2,5% de l'eau sur terre sont de l'eau douce, dont plus des deux tiers sont stockés sous forme de glace, de glaciers ou de neige. Moins d'un pour cent est finalement utilisable comme eau potable. Si la soif croissante de la population mondiale pouvait être étanchée avec de l'eau salée transformée, cela changerait vraiment la donne.
Il n'est pas étonnant que la technique de désalinisation se soit développée de manière fulgurante au cours des dernières années. Environ 300 millions de personnes dans le monde utilisent déjà de l'eau de mer dessalée, et la tendance est à la hausse. Il existe environ 20'000 installations de dessalement, la plupart dans la péninsule arabique et aux États-Unis. En Europe, l'Espagne est en tête avec 770 installations. Les plus grands producteurs d'eau dessalée par personne sont des pays comme le Qatar, les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Koweït, Israël, Oman et l'Arabie saoudite.
En 2023, le marché mondial des installations et technologies de dessalement a été estimé à environ 16 milliards de dollars. Les expertes et les experts prévoient un taux de croissance annuel de plus de 9%. Alors que jusque dans les années 1960, les procédés thermiques, au cours desquels l'eau salée est chauffée et condensée en eau douce, dominaient, aujourd’hui la technique de l'osmose inverse s'est imposée. L'eau de mer purifiée est poussée sous haute pression à travers des tuyaux dans lesquels se trouvent des membranes semi-perméables. Seules les molécules d'eau passent à travers ces membranes, tandis que le sel et les autres minéraux sont retenus.
Coûteux, laborieux et polluant
Grâce à des pompes efficaces et à une meilleure technique de transport, les coûts énergétiques diminuent certes. Mais par rapport à la production traditionnelle d'eau potable à partir de sources et de rivières, le dessalement d’eau de mer reste très coûteux et complexe. À Barcelone, où plus d'un quart de l'eau potable provient de la Méditerranée, la production de 1000 litres coûte environ 70 centimes d'euros.
Selon la source d'énergie utilisée, le dessalement pose également un grave problème pour le climat. Il existe certes quelques petits projets décentralisés, par exemple aux îles Canaries, qui produisent de l'eau potable à l'aide d'énergies renouvelables. Mais dans la péninsule arabique, où se trouvent les plus grandes installations, l'électricité consommée continue d'être produite principalement à partir de gaz et de pétrole. Aux États-Unis également, la majeure partie du mix électrique provient toujours de sources fossiles. Les installations photovoltaïques ou éoliennes propres à l'usine nécessiteraient beaucoup d'espace, ce qui fait justement défaut dans les régions côtières à forte densité de population.
En outre, les agricultrices et les agriculteurs irriguent de plus en plus souvent d'immenses champs et plantations avec de l'eau désalinisée, comme en Espagne. Mais dans ces régions où l'eau potable est déjà rare et compte tenu des conséquences du changement climatique, cette pratique est extrêmement problématique. L'eau dessalée ne devrait pas être utilisée pour développer de nouvelles surfaces agricoles dont les produits seraient exportés. Il serait préférable de repenser les modèles de consommation et d'abandonner l'idée que toutes les sortes de fruits et de légumes doivent être disponibles partout et à tout moment.
Restent les problèmes écologiques: les usines de dessalement produisent de la saumure qui peut contenir des résidus chimiques. Il n'existe pas de normes universelles et efficaces pour la gestion de ce déchet. Pour des raisons de coûts et à cause d’un manque d'utilisation industrielle, le concentré est rejeté dans la mer, où il peut nuire aux écosystèmes sous-marins. Une solution consisterait à mélanger ce concentré avec les eaux usées traitées par les stations d'épuration avant de la rejeter dans la mer – mais uniquement si cela se passe au loin dans la mer. Cela permettrait de minimiser les dommages écologiques, mais ce n'est encore que trop rarement fait.
De nouvelles méthodes pour réussir – même dans les pays pauvres?
Les pays à revenu moyen et élevé sont responsables de plus de 90% du dessalement. Pourtant, ce sont justement les pays les plus pauvres, par exemple en Afrique subsaharienne, qui deviendront d'ici 2050 des «points chauds» de pénurie d'eau, c'est-à-dire qui souffriront d'un «stress hydrique» mettant la vie de leur population en danger.
Même si ces pays utilisent plus efficacement l'eau de pluie, traitent et réutilisent leurs eaux usées et construisent davantage de réservoirs ou de barrages, ils ne pourront guère se passer à l'avenir du dessalement de l'eau de mer pour éviter la pénurie d'eau. L'espoir réside dans le développement croissant de petites installations de dessalement fonctionnant à l'énergie solaire ou éolienne et indépendantes du réseau électrique. Toutefois, peu de personnes croient qu’elles atteindront les communautés marginalisées qui en ont le plus besoin. Néanmoins, le dessalement décentralisé et à petite échelle de l'eau de mer à l'aide de l'énergie solaire est une opportunité pour les pays pauvres et devrait être développé et encouragé.
Et l'espoir reste permis: de nouvelles technologies, comme par exemple celles de Desolenator, prétendent être la première installation de dessalement solaire thermique au monde à fonctionner à grande échelle. Cette technologie utilise des panneaux solaires et réduit fortement les émissions de CO2 par rapport à la technique de l'osmose inverse. Il s’agit de faire évaporer l’eau salée et de recueillir la vapeur d'eau pure. Ce processus ne produit qu'une faible quantité de saumure non toxique, voire pas d'eaux usées du tout, car le sel est extrait en même temps. Il est intéressant de noter que des minéraux peuvent être extraits de ce sel par ce que l'on appelle la nanofiltration: calcium, magnésium, sodium, chlorure et même lithium.
Il ne fait aucun doute que le dessalement de l'eau de mer est un sujet qui occupera encore longtemps l'humanité.