© Keystone/EPA/Miguel Gutierrez

Femmes aux barricades

La lutte des femmes dans le monde contre la violence et la discrimination
PAR: Rebecca Vermot - 28 février 2020
© Keystone/EPA/Miguel Gutierrez

Pour les femmes âgées de 15 à 44 ans, le risque d'être victimes de violences domestique ou agressées sexuellement est plus élevé que celui d'être atteintes d'un cancer ou d'un accident de la route. Malgré les conventions internationales et les lois nationales, la situation ne change pas: au niveau mondial, une femme sur trois est victime de violence au cours de sa vie, frappée, abusée ou contrainte à des pratiques sexuelles. Ces atteintes graves restent encore largement impunies. C'est pourquoi des femmes descendent dans les rues pour dénoncer l'injustice. Et quand manifester leur est impossible, elles trouvent le courage de prendre d'autres voies. Mais les femmes en ont aussi assez des seuls des petits pas qui sont faits. 

Pour les femmes entre 15 et 44 ans, l'une des causes principales de décès ou de lourd handicap est la violence, selon l'organisation onusienne des femmes ONU Femmes. L'organisation estime que, au nombre des 87 000 femmes qui ont été tuées au niveau mondial en 2017, 50 000 l'ont été par leur partenaires ou un membre de leur famille. En d'autres mots: chaque jour à travers le monde, 137 femmes meurent sous les coups d'un proche.

Environ 15 millions de jeunes filles entre 15 et 19 ans ont été contraintes à des actes sexuels au cours de leur jeunesse. Les réponses données à un questionnaire envoyé à des étudiantes dans 27 universités aux États-Unis indiquent qu'un quart d'entre elles ont subi des agressions sexuelles. Dans les pays de l'UE, une femme sur dix doit se défendre contre le cyberharcèlment. Chaque année, 12 millions de filles sont mariées bien qu'elles n'aient pas encore 18 ans, et dans les pays subsahariens il s'agit de deux filles sur cinq.

La liste des pratiques contre les femmes peut s'allonger à volonté – et être complétée par les chiffes de la discrimination salariale et la charge des tâches domestiques non rémunérées, le travail de care, ainsi que par les statistiques scientifiques qui chiffrent les discriminations et les torts économiques que subissent les femmes. Ces informations ne sont pas nouvelles et sont connues des personnes et des services concernés depuis longtemps. Il est choquant de savoir que, malgré cela, qu'aujourd'hui plus de 100 femmes perdent la vie suite à des violence, pour la seule raison qu'elles sont des femmes. Actuellement, des centaines de filles sont contraintes à des actes sexuels, des mères sont violées et des jeunes filles harcelées par des images et des mots terribles sur leur téléphone portable. En ce moment, des millions de femmes subventionnent l'économie parce qu'elles travaillent pour des salaires inférieurs à ceux des hommes, parce qu'elles prodiguent gratuitement des soins à des parents, au détriment de leur santé, de leurs revenus et de leur participation à la vie publique.

Comme si les femmes étaient invisibles

Pour cela, les femmes doivent encore manifester en 2020, pour faire entendre leurs revendications - et leur colère qui grandit. Dans le petit pays aisé qu'est la Suisse, un demi-million de femmes et de nombreux hommes aussi ont participé à la grève nationale des femmes le 14 juin dernier. Un changement de système est nécessaire pour que les violences et les discriminations que subissent les femmes cessent enfin.

Mais dans le monde, les femmes ne peuvent pas exprimer librement leurs revendications partout publiquement. Quand cela leur est impossible, elles doivent trouver d'autres formes pour protester. Parfois un service de conseils pour femmes existe, comme celui soutenu par la DDC au Tadjikistan. Il traite des question de droits et de justice dans une société patriarcale. Avec succès quand, grâce à ce travail, les femmes et les hommes de villages disent en assemblée que la violence domestique n'est pas une question privée mais bien un problème social, et ce qu'il faut faire contre cela. Des petits pas certes, mais importants et indispensables.

Des lois qui ne sont pas respectées

Au niveau mondial, au moins 144 pays disposent de lois contre la violence domestique et 154 d'entre eux de lois contre le harcèlement sexuel. «Pourtant, même quand des lois existent, cela ne signifie pas qu'elles soient conformes aux normes et aux recommandations internationales, ou qu'elles soient appliquées», comme le publie ONU Femmes. En Amérique latine et du Sud au cours de l'année 2017, seulement 2% des féminicides ont été jugés. Dans 98% des cas, les coupables sont restés impunis! Cela parce que des hommes règnent sur la police et la justice. Les budgets sont établis par des hommes et les sièges des parlements qui les valident sont largement occupés par des hommes. Les moyens financiers disponibles vont souvent dans le budget de la défense plutôt que dans l'éducation, dans l'encouragment économique plutôt que dans la santé et le social.

Les femmes en ont assez de constater que leurs droits ne vont toujours pas de soi. Qu'elles doivent se battre pour leur sécurité et leur intégrité dans des sociétés dominées par des hommes – en Suisse également. Elles sont lasses de ne pouvoir avancer qu'à petits pas, malgré les couleurs joyeuses qu'elles donnent à leurs manifestations. Les droits humains sont aussi les droits des femmes. Elles veulent un monde dans lequel elles peuvent vivre sans peur et sans harcèlement. Un monde dans lequel elles ne deviennent pas des victimes sans protection. Un monde dans lequel elles sont des participantes et des décideuses actives. 

Déjà trois pays ont placé en tête de leurs priorités la qualité de vie de leurs citoyennes et citoyens plutôt que la croissance économique, selon le rapport Wellbeing Economy Governments Initiative: il s'agit de l'Écosse, l'Islande et la Nouvelle-Zélande – qui ont des gouvernements dirigés par une femme.