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Coronavirus: points de vue du Sud - 2e partie

Des employé.e.s d'Helvetas dans trois pays partenaires rendent compte des bouleversements provoqués par le coronavirus dans leurs quotidiens respectifs.
19 mars 2020
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Le coronavirus domine actuellement toutes les discussions en Suisse et fait la une de l'actualité. Mais quelle est la situation hors de l'Europe? Nous avons posé la question à trois membres du personnel d'Helvetas, sur trois continents. Ils décrivent comment le COVID-19 change la vie quotidienne au Myanmar, au Burkina Faso et au Pérou et évoquent ce qui préoccupe principalement les populations locales. Découvrez la deuxième partie d'un journal de bord extraordinaire en provenance de nos pays partenaires. La première partie, écrite en date du 9 mars, est disponible ici.

Comme si la fête de Noël était annulée

Par Peter Schmidt, directeur de programme d'Helvetas au Myanmar

© EPA/LYNN BO BO
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Sur la carte montrant l'évolution des cas d’infection par le coronavirus dans le monde, de nombreux pays du sud-est asiatique apparaissent en rouge foncé, couleur qui désigne les endroits où l’épidémie est très présente. Mais deux pays restent colorés de blanc: le Laos et le Myanmar. Tous deux ont des frontières communes avec la Chine, pourtant aucun cas n'y est confirmé. Comment est-ce possible? Des collègues supposent qu'il y fait trop chaud pour le virus. D'autres pensent que le système immunitaire de la population est à toute épreuve en raison de la malaria et de la fièvre dengue et que le coronavirus n'a aucune chance. Ou qu'il s'agit d'une rechute dans un régime communiste de communication: ce qui ne doit pas être n'existe pas? Mais l'explication est certainement plus simple: peu de tests de dépistage du coronavirus ont été menés jusqu'ici – sur une population totale de 55 millions de personnes...

Le gouvernement a réagi la semaine dernière. Après que l'OMS a déclaré que l'explosion du coronavirus était une épidémie, le Myanmar a annulé toutes les réunions publiques – y compris les festivités liées à Thingyan, le festival de l'eau qui se tient en avril. C'est comme si Noël ne pouvait avoir lieu. La nouvelle a déjà filtré sur Facebook et a provoqué à Yangon des achats en masse pour constituer des réserves. Des Suisses aussi traversent la ville à bord de voitures jusqu'au «Marketplace» pour y trouver quelques litres de lait Emmi dans leur emballage rouge. Le mal du pays qui s'invite dans ces temps difficiles?

Comment rencontrer des cultivateurs de riz?

L'interdiction de réunions au Myanmar rend le travail d'Helvetas presque impossible. Comment nos organisations partenaires peuvent-elles rencontrer des cultivateurs de riz? Les enseignant·e·s, dont nous soutenons la formation professionnelle, peuvent-ils encore se rendre dans les lieux d'apprentissage? Pouvons-nous ouvrir le nouveau centre pour migrantes dans un quartier de Yangon? Est-ce que la biologiste américaine spécialiste de la vie marine, qui  conseille l'un de nos projets, doit rester en isolement parce que nous ne voulons en aucun cas introduire la maladie dans nos régions de projets?

Je prends connaissance en ligne de la conférence de presse du Conseil fédéral. C'est un peu comme autrefois, quand nous avons dû nous lever au milieu de la nuit pour suivre sur l'écran les images vacillantes de l'alunissage d'Apollo. La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga, a livré un message appuyé dans quatre langues. Comment aurait-elle bien pu maîtriser cela au Myanmar, avec ses 135 différents groupes de population reconnus? Dans ses propos, elle a mentionné que les voyageurs suisses se trouvant à l'étranger étaient appelés à rentrer. Le lendemain matin, la nouvelle est tombée de la direction d'Helvetas à Zurich: les collaborateurs internationaux faisant partie d'un des groupes à risque étaient tenus de réfléchir sérieusement à un retour dans leurs pays respectifs. Je suis proche de la ligne du groupe à risque – mais ce n'est le cas de ma femme. Que faire maintenant?

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Coronavirus – points de vue du Sud, 1ère partie

Une collaboratrice et deux collaborateurs dans trois pays du Sud rendent compte des bouleversements que le coronavirus apporte dans leur vie quotidienne. Découvrir!

Des émissions de radio pour informer les gens

Par Franca Roiatti, chargée de la communication d'Helvetas en Afrique de l'Ouest

Au Burkina Faso, le premier décès dû au coronavirus a été enregistré le 18 mars. La victime était le second vice-président du parlement national, et c'était le premier cas confirmé de décès causé par le COVID-19 en Afrique subsaharienne. Un choc. Le nombre de cas augmente et le gouvernement renforce son action pour maîtriser les contacts avec des personnes testées positives et enrayer la propagation du virus.

Le gouvernement a fermé écoles et universités dès les premiers cas de coronavirus, et les réunions de plus de 50 personnes sont interdites. Des manifestations telles que les concerts ont été annulées, les guides religieux musulmans et chrétiens ont supprimé les messes dans les églises et les prières du vendredi dans les mosquées, les gens ont été invités à «prier à la maison». Les pouvoirs publics et les ONG collaborent avec des radios locales pour diffuser les informations importantes sur le coronavirus dans tout le pays. Le message va-t-il passer? Au Burkina, on compte au moins 125 centres de santé fermés en raison des attaques armées croissantes. Qui va assurer les services de santé de base?

Nous sommes soudain des transmetteurs potentiels

À Ouagadougou, la capitale, une intense activité règne toujours: beaucoup de motos dans les rues – avec quelques conducteurs supplémentaires portant maintenant des masques de protection en tissu contre la poussière et certains des masques médicaux. Aujourd'hui comme hier, presque personne ne porte de casque. De grands magasins ont introduit des mesures de prévention (désinfectant pour les mains à l'entrée, masques pour le personnel), mais les petits commerces, les cafés et les stands au bord des routes fonctionnent comme d'habitude. Il est presque impossible d'imaginer que tout cela et les nombreux marchés devront peut-être fermer bientôt – à l'instar de ce qui se passe en Europe. De nombreuses personnes vivent au jour le jour et doivent acheter quotidiennement avec le peu d'argent gagné ce dont elles ont besoin. Comment pourraient-elles s'approvisionner si les marchés ferment?

Et de notre côté? Helvetas a introduit des mesures avec le travail à domicile et l'annulation de rencontres personnelles – autant que possible. Mais nous travaillons avec et pour des personnes, et donc des questions difficiles se posent. Par exemple, nous avons récemment lancé un projet d'aide humanitaire pour soutenir environ 729'000 personnes déplacées: des familles qui ont été forcées de quitter leurs villages pour échapper à la violence de groupes armés. La plupart d'entre elles ne disposent pas d'hébergement adéquat et la commune d'accueil se bat pour assurer l'approvisionnement en eau et l'infrastructure sanitaire. Dans de telles conditions, comment garantir «la distance sociale» et l'hygiène personnelle? Et finalement: comment pouvons-nous aider ces personnes, quand nous-mêmes et nos partenaires sur place pouvons être transmetteurs du coronavirus? Nous essayons de nous adapter aux nouvelles données et d'apprendre chaque jour ce qui est possible de faire.

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Calme inhabituel à Lima

Par Kaspar Schmidt, conseiller de programme d'Helvetas au Pérou

© AP Photo/Martin Mejia
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Cela a été rapide: après le premier cas de maladie déclaré au Pérou, le gouvernement a ordonné les premières mesures. Le gouvernement péruvien tire des leçons de la probable trop longue attente dans de nombreux pays européens: cinq jours après la confirmation du premier cas, il a fermé toutes les écoles et, le lendemain, interdit les événements de plus de 300 personnes puis, un jour plus tard, annulé l'arrivée des vols en provenance d'Europe et d'Asie. L'état d'urgence a été ordonné le neuvième jour. Ce qui signifie de nouvelles restrictions de la vie publique et la fermeture des frontières. Peu après le couvre-feu nocturne a été décrété. La courbe des cas d'infection s'élève de jour en jour, le cercle rouge du Pérou s'agrandit sur la carte mondiale des cas d'infections – et l'on verra si les mesures rigides prises enrayent la propagation du virus, comme espéré.

Un calme inhabituel règne dans la métropole, Lima, habituellement engorgée par le trafic. Une voiture de police passe épisodiquement et appelle les gens par haut-parleur à rester chez eux. Aux carrefours, des forces de sécurité contrôlent si les personnes qui circulent travaillent dans les secteurs de ce qui est défini comme étant le système relevant. En face de notre appartement, le parc généralement grouillant de vie est à peu près vide. Dans ce silence étrange, nous sommes heureux d'entendre les voix des employés communaux, qui travaillent encore à l'occasion dans le parc ou balayent la rue. Faire la file devant le supermarché, qui ne vend pratiquement plus que des denrées alimentaires de base, et échanger sur WhatsApp – un mélange d'informations, d'encouragements, de messages de résistance, de fausses nouvelles et d'humour – sont maintenant le quotidien également au Pérou. Nous nous essayons aussi à l'enseignement à domicile avec nos enfants et travaillons en même temps depuis chez nous, comme des millions d'autres familles dans le monde, et à vingt heures, le soir sur nos balcons, nous applaudissons aussi les collaboratrices et collaborateurs des services médicaux, des forces de sécurité, des autorités communales ainsi que toutes les autres personnes qui apportent leur aide.

Préoccupés par les moins privilégiés

Lundi dernier, nous sommes passés au système du télétravail, nouveau pour la plupart de nos collaboratrices et collaborateurs locaux. Nous réfléchissons aux activités que nous devons reporter – mais à quand? Comment la crise affecte les communautés défavorisées et nos organisations partenaires? Par exemple le cultivateurs de cacao ou de café ou encore les petites entreprises de tourisme? Comment pouvons-nous les soutenir pour surmonter les défis? Comment, dans un régime d'état d'urgence et une liberté de mouvement fortement limitée, verser les contributions de soutien à des familles de réfugiés du Venezuela, qui vivent dans la ville portuaire de Callao à côté de Lima? Des questions auxquelles nous avons besoin d'apporter des réponses aussi vite que possible.

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