À 39 ans, Manette Janvier a hérité, avec sa mère, ses frères et sœurs, de la parcelle familiale située dans le bassin-versant de la source Mare Calebasse. Encore marquée par le décès de son père, elle hésite à poursuivre le travail de la terre. "Les terres sont abîmées. Elles ne produisent plus", murmure-t-elle. Autrefois, la famille y cultivait du maïs, des patates douces, du manioc et des haricots. Actuellement, elles sont demeurées en jachères.
Dans cette zone, la dégradation avancée résulte en grande partie de pratiques peu respectueuses de l’environnement : surpâturage, exploitation intensive des sols, et abattage massif d’arbres pour la production de charbon de bois, une source de revenus essentielle pour de nombreux ménages dans la commune de Belle-Anse. Conséquences : réduction de la couverture forestière, érosion accélérée, et diminution du débit de la source Mare Calebasse. Ce qui rend les habitant/e/s plus vulnérables tant sur le plan économique qu’environnemental.
Pour inverser la tendance, des travaux de conservation des sols et de végétalisation ont été engagés dans le cadre du projet RESEPSE, financé par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), administré par le PNUD et exécuté par Helvetas Haïti pour le compte du ministère de l’Environnement (MdE). Objectifs : réduire significativement l’érosion, favoriser la recharge de la nappe phréatique et améliorer les rendements agricoles, afin de générer à moyen terme des revenus additionnels pour les populations locales.
Des résultats provisoires concrets sur le terrain :
· 9 000 mètres linéaires de bandes enherbées aménagés
· 7 000 mètres linéaires de murets construits
· Environ 200 hectares de terres protégés
· 171 000 boutures d’herbacées implantées pour contrer la dégradation des sols.
"Ces travaux de conservation des sols sont très importants pour nous", explique Manette, consciente de la nécessité d’abandonner certaines pratiques agricoles inadaptées. Pour accompagner ce changement, le projet RESEPSE organise des formations sur l’établissement et la gestion de systèmes agroforestiers adaptés au changement climatique, au profit de 100 agriculteurs. Ils découvrent des techniques innovantes comme le "miniset" (culture d’igname) et la PIF (production de plants de bananiers par fragmentation). Des activités réalisées en synergie avec l’Initiative pour la Nature et l'Optimisation des Valeurs Ecologiques et Economiques (INOVEE), un autre projet mis en œuvre par Helvetas Haïti et AHAAMES, dans la commune de Belle-Anse, grâce à un financement de l’Union européenne à travers le BONFED. Des travaux supplémentaires seront entrepris pour augmenter la superficie des terres protégées, à Mare Calebasse.
Une gouvernance de proximité pour la durabilité
Aligné sur l’engagement du Gouvernement haïtien et les Objectifs de développement durable, RESEPSE mise sur une forte implication communautaire. Un comité de gestion a été mis en place pour superviser, entretenir et faire vivre les structures installées.
"La mission du comité est de veiller au bon fonctionnement des aménagements, à leur maintenance, et à l’atteinte des objectifs", souligne David Alcy, président du Comité du bassin-versant de Cascade Pichon, lors d’une visite d’inspection. Le comité travaille en étroite collaboration avec les autorités locales et les agents de protection de l’environnement.
Une action intégrée sur quatre communes
Les aménagements s’inscrivent dans la composante : "Identification et promotion de pratiques de conservation, de gestion et d’approvisionnement en eau potable adaptées aux scénarios de changement climatique". Le projet est mis en œuvre dans les communes de Jacmel, Belle-Anse, Grand-Gosier et Thiotte.
Les cibles à l’échelle du projet comprennent :
· 4 540 hectares réhabilités dans des zones de recharge des aquifères, dont 700 hectares par l’agroforesterie ;
· La construction de gabions, bassins de percolation, diguettes de contour et ouvrages d’infiltration pour favoriser la recharge des nappes ;
· Le renforcement de cinq systèmes d’approvisionnement en eau potable (SAEP), un par commune ;
· L’installation de toitures de collecte et citernes pour 350 ménages ;
· Un programme de traitement de l’eau bénéficiant à 130 000 personnes.
Objectif général de RESEPSE :
"Accroître la disponibilité de l’eau dans les bassins versants cibles du département du Sud-Est d’Haïti en conservant les zones critiques de recharge et les aquifères, en renforçant la capacité de gestion des ressources en eau, et en améliorant la résilience climatique des infrastructures de distribution et de stockage, afin d’assurer un accès fiable à l’eau pour les communautés cibles."
