Sauveson Bonnet trouve le métier qui le fait oublier ses pensées suicidaires

A 27 ans, il dirige son propre atelier de ferronerie environ deux ans après avoir été gradué dans le cadre du projet Promotion de la Formation Professionnelle en Cours d’Emploi et en Entreprises (PROFESE).
PAR: Danio Darius - 04 août 2021

Nous sommes à Ti Mouyaj (Petit Mouillage), à Cayes Jacmel dans le département du Sud’est. Sur une pente perche, une petite maison d’environ douze mètres par neuf mètres .   Aliès Hilaire, la propriétaire, est plus que fière même s’il reste encore des travaux à faire. Elle y habite déjà avec son mari et son garçon de dix ans. Il y a à peine huit mois,  elle avait fait construire les fenêtres en fer forgé.  Aliès Hilaire n’a rien à reprocher à Sauveson Bonnet, un jeune forgeron qu’elle avait engagé à cet effet. « Si le travail n’était pas bien fait je ne l’aurais pas accepté. Je lui aurais demandé de les enlever », dit-elle à propos des six fenêtres dont deux sur le coté gauche, deux sur le coté droit et deux sur la façade de la maison. « C’est exactement ce que j’avais souhaité» , a encore témoigné la cliente qui avait connu Sauveson Bonnet bien avant qu’il soit devenu ferronier.

Trois ans après avoir perdu son père, la seule personne sur qui il pouvait compter, Sauveson Bonnet, conseillé par l’un de ses cousins, avait pris la décision de s’inscrire au programme de formation de l’Atelier Pilote de la Technologie (APTECH) en 2018 à Cayes Jacmel. Cet établissement, partenaire de la Helvetas Haiti dans le cadre du projet Promotion de la Formation Professionnelle en Cours d’Emploi et en Entreprises (PROFESE), offre des formations en Ferronerie et en Charpente métallique. Il permet aux étudiants de faire des stages pratiques soit au sein de son propre atelier ou au sein d’autres entreprises tout au long de la formation. « En suivant cette formation, c’est le meilleur choix que Sauveson pouvait faire », pense Aliès Hilaire

Ce jeune garcon de 27 ans avait tenté pas mal de choses auparavant. Il a même été à Port-au-Prince, la capitale du pays, où il a passé sept mois à apprendre à préparer les produits chimiques tels que le savon et le détergent. Mais aucune de ces activités ne le permettait de subvenir à ses besoins. Il lui arrivait même de penser à mettre fin à ses jours.  « La misère était tellement atroce» , avance-t-il comme explication.

«Je suis très fier de moi. Cette formation m’a procuré beaucoup de respect. Je suis devenu quelqu’un d’important. On me demande partout. Aujourd’hui, je frotte avec de grandes personnalités. Ce qui n’aurait pas été possible sans mon métier»

Sauveson Bonnet, 27 ans, ferronier 

Environ deux ans après avoir été gradué en Ferronerie, Sauveson Bonnet dirige avec son associé un atelier à Cayes Jacmel.  Là, ils construisent des portes, des fenêtres et réalisent bien d’autres travaux métalliques.  «Nous avons l’habitude de construire des guérites pour des commerçants et des carrosseries pour les camions qu’on transforme en autobus pour transporter des passagers. Nous réparons également les châssis d’automobiles », détaille Sauveson Bonnet en demandant à un client de l’attendre en lui faisant un signe de la main. Ce client, un quinquagénaire, tient dans ses mains une machine servant à fabriquer des claustras en béton. « Une pièce est brisée. Je suis venu pour qu’on puisse la souder», explique le client qui a la certitude qu’il repartira avec sa machine fonctionnelle.

« Je suis très fier de moi. Cette formation m’a procuré beaucoup de respect. Je suis devenu quelqu’un d’important. On me demande partout. Aujourd’hui, je frotte avec de grandes personnalités. Ce qui n’aurait pas été possible sans mon métier», dit Sauveson Bonnet qui n’éprouve aucun regret d’avoir choisi la voie de la formation. « Si aujourd’hui je peux avoir un peu d’argent dans ma poche pour faire ce dont j’ai envie  c’est grâce à la ferronerie», a-t-il laché fièrement. Pour lui, la ferronerie c’est un métier sûr. « Il est extrêmement difficile de passer une journée sans rien gagner », a-t-il indiqué. Il explique qu’il peut gagner jusqu’à 10 000 gourdes soit environ 95 CHF Fr pour une semaine de travail.

Sauveson Bonnet souhaite que son atelier grandisse

Pour le moment, il lui manque les moyens financiers nécessaires pour se doter de certains équipements sophistiqués.  « Sans ces matériels, je ne peux pas réaliser certains travaux », se lamente-t-il.

Sauveson Bonnet fait partie de la première cohorte des jeunes qui on été formés dans des métiers de la construction ou en techniques agricoles dans le cadre du projet Promotion de la Formation Professionnelle en Cours d’Emploi et en Entreprises (PROFESE) démarré en 2018. A date, plus de quatre cents jeunes ont déjà un métier. L’objectif de ce projet financé par des fonds propres de la Helvetas Haiti est de contribuer à la création de revenus et d'emplois pour des jeunes de milieux défavorisés des zones rurales et péri-urbaines en Haïti en se concentrant en particulier sur trois communes du Sud Les Cayes, Chardonnière et Les Anglais et cinq communes du Sud-est Jacmel , La Vallée, Marigot, Bainet et Belle-Anse.

Le projet met un accent particulier sur l’entrepreneuriat. « C’est un outil essentiel », estime Jérémie Germain, responsable de formation à l’Atelier Pilote de la Technologie. « Le projet ne vise pas seulement à former les jeunes pour aller trouver un emploi. Il leur donne la capacité de créer leur propre entreprise, » se félicite le formateur. « Le projet rend autonomes des jeunes qui étaient auparavant vulnérables», ajoute pour sa part Michelet Guy Adesca, chef d’Atelier Fer à l’APTECH. Son seul regret c’est que les jeunes ne puissent bénéficier d’équipements dans le cadre du projet. S’ils pouvaient avoir des outils, ils feraient des merveilles, pense Michelet Guy Adesca.

Avec un client qui lui amène une machine à fabriquer des claustras en béton à souder 
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