Des jeunes femmes formées grâce au PROFESE participent à la reconstruction de deux centres de formation

Un séisme de magnitude 7.2 sur l’échelle de Richter a frappé Haïti le 14 aout 2021. Les locaux de deux des trois centres de formation renforcés par le projet PROFESE dans le département du Sud se sont effondrés. Des jeunes femmes formées grâce à ce projet dans le Sud'Est ont apporté leur pierre à la reconstruction de ces deux centres.
PAR: Danio Darius - 04 avril 2022

Un séisme de magnitude 7.2 sur l’échelle de Richter a frappé Haïti le 14 aout 2021. Si les secousses avaient été ressenties un peu partout à travers le pays, les départements du Sud-est, des Nippes, de la Grand’Anse et du Sud-Est ont été particulièrement touchés. Plus de 2,200 morts ont été enregistrés et la Direction Générale de la Protection Civile (DGPC) a fait état de 12,763 blessés et de 329 personnes disparues. 136,000 maisons et bâtiments publics dont des centres de santé, des établissements scolaires et des centres de formation ont été détruits ou endommagés.

Depuis 2018, Helvetas met en œuvre le projet de Promotion de la Formation professionnelle en Cours d’Emploi et en Entreprise (PROFESE) qui cible des jeunes de milieux défavorisés des zones rurales et péri-urbaines en se concentrant sur les départements du Sud et du Sud-est. Il incite les prestataires de formation à travailler avec un secteur privé organisé et à utiliser des éléments de formation duale comme dans le système suisse.

Lors du tremblement de terre, les locaux de deux des trois centres de formation renforcés par le projet PROFESE dans le département du Sud se sont effondrés. Il s’agit du Centre Professionnel des Ingénieurs Réunis (CPIR) aux Cayes et du Centre Professionnel Saint Maximilien Kolbe aux Anglais (CPSMKA).  Les infrastructures servant à la formation  des jeunes dans les métiers de la construction, tels que la plomberie ou le carrelage et les techniques agricoles ont été totalement détruits.  

Andy Judson Chéry, le responsable du Centre Professionnel des Ingénieurs Réunis témoigne : « J’étais abasourdi quand je suis arrivé. Plusieurs années d’efforts et de sacrifices venaient de disparaitre en moins d’une minute. Il n’y avait plus d’espoir pour nous. On ne voyait pas comment on allait remonter la pente ». Le centre n’a pas pu fonctionner pendant deux mois. « C’était l’un des moments les plus tragiques de ma vie. Je ne souhaite plus revivre ça.», a déclaré Samson Saint Hubert qui était obligé de trouver des réponses pouvant rassurer les jeunes qui devenaient de plus en plus inquiets quant à leur formation et leur avenir.

Une réponse ciblée pour des partenaires de long-terme

Au début du mois de novembre 2021, les responsables du centre ont aménagé un espace temporaire pour faciliter la reprise des cours. Entre temps, des pourparlers ont été engagés avec l’équipe du projet PROFESE sur la possibilité de contribuer à la remise à niveau du centre.

En principe, le projet ne finance pas les infrastructures, mais la formation de jeunes en situation de vulnérabilité. Etant donné la situation et les besoins évidents pour assurer les formations, Helvetas a décidé d’allouer des fonds pour la construction d’une structure éducative permettant la continuité des activités.

 

«Quand les responsables du projet nous ont appelé pour nous demander une proposition pour la reconstruction du bâtiment, nous avons ressenti un signe d’espoir » »

Samson Saint Hubert, directeur administratif du CPIR.

Porter les prestataires de formation à travailler ensemble

Depuis janvier, les étudiants ont commencé à suivre les formations dans une structure adaptée et solide avec deux grandes salles de cours mesurant chacune sept mètres de large et huit mètres de long. Le bâtiment est supporté par une charpente métallique tandis que les murs sont réalisés en béton. « Le tremblement de terre avait créé un traumatisme chez les gens. Il fallait donc adopter un modèle de construction qui soit à la fois sécurisant et adapté à la réalité avec des matériaux locaux.», explique l’ingénieur de formation Samson Saint Hubert. Les moyens disponibles pour la réalisation de cet ouvrage et la nécessité urgente de reprendre les cours ont guidés une stratégie d’exécution légère, rapide et efficiente. 

La reconstruction du Centre Professionnel des Ingénieurs Réunis a été l’occasion pour plusieurs prestataires de formation de travailler ensemble. En effet, le projet PROFESE a comme objectif de mieux intégrer le secteur privé dans les programmes de formation et de renforcer les échanges de bonnes pratique entre les prestataires de formation. Cet ouvrage s’est révélé comme l’opportunité de favoriser les deux aspects, car la charpente du bâtiment est l’œuvre de l’Atelier Pilote de Technologie (APTECH), un autre centre de formation du proet, composé essentiellement d’artisans réunis en association, et basé à Jacmel dans le Sud-est.

Le tremblement de terre a fait s’effondrer les stéréotypes de genre

Intégrée aux formations en cours, ces réalisations constituent une opportunité évidente de stage pratique pour les étudiants et les diplômés. Sur les dix techniciens qui ont exécuté les travaux, trois, dont deux filles, sont des anciens étudiants de l’APTECH. « Nous avons tout fait nous-même. De la base jusqu’à la toiture : nous avons installé les poteaux, placé les fermes, posé les pannes… », raconte Alexis Diana qui était sortie lauréate de sa promotion en 2021. Elle avait reçu une solide formation en toitures métalliques.

«Ils étaient stupéfaits quand ils nous voyaient faire des travaux réalisés en général par les hommes. Nous, les femmes, avons plus d’obstacles pour trouver du travail dans la construction. Nous sommes fières de pourvoir servir de modèles à d’autres filles dans le Sud »

Joseph Mirlène, technicienne 

Joseph Mirlène, son amie, se souvient encore de la façon dont les gens les regardaient avec admiration : « Ils étaient stupéfaits quand ils nous voyaient faire des travaux réalisés en général par les hommes. Nous, les femmes, avons plus d’obstacles pour trouver du travail dans la construction. Nous sommes fières de pourvoir servir de modèles à d’autres filles dans le Sud », avance-t-elle. Les travaux ont duré neuf jours.

Avec les autres professionnels, elles étaient obligées de travailler très tard certains soirs. C’était une très bonne collaboration, témoigne Samson Saint Hubert. Il pense que l’implication d’anciens étudiants dans la construction du bâtiment de CPIR a prouvé que le projet avait réellement sa raison d’être et qu’il y aura beaucoup de travail pour la reconstruction post-séisme. « Cela démontre aussi que la formation reçue par les jeunes est de bonne qualité », a-t-il ajouté.

1/5
2/5
3/5
4/5
5/5

Ezéchiel Azar, l’un des étudiants de la promotion 2019-2020 de CPIR était le responsable des travaux de plomberie. « C’était un honneur d’avoir été appelé pour mettre mes compétences au service d’une institution qui m’a formé », dit le jeune plombier qui avait été rémunéré en tant que professionnel de la branche pour ses services. A en croire Ezéchiel Azar ce n’est pas uniquement le salaire qui l’a motivé mais le désir de voir le centre remis sur pieds pour continuer à former d’autres jeunes.

La reconstruction de l’autre centre professionnel CPSMKA aux Anglais avance et devrait être terminé d’ici le mois d’avril, mais pour Helvetas, l’objectif principale reste le changement systémique à long-terme pour la formation professionnelle. L’équipe projet dispose désormais d’évidences démontrant que les parties prenantes sont convaincus que la formation duale en Haïti donne des résultats de qualité, est orientée vers le marché de l’emploi local et favorise l’inclusion et l’insertion des jeunes vulnérables.