nachhaltiger Tourismus | © Keystone/Imagebroker/Egmont Strigl

Le tourisme après la pandémie: redémarrage lent plutôt que gains rapides

Des issues à la crise avec le tourisme durable.
PAR: Zenebe B. Uraguchi, Rebecca Vermot - 03 juillet 2020
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Ce projet apporte maintenant un éclairage inattendu sur la résistance à la crise de cette niche du tourismeLe tourisme a accéléré la propagation du coronavirus - et c'est maintenant un des secteurs qui en subit fortement les répercussions. Après l'arrêt forcé, sa relance offre la chance de l'envisager autrement: durable, axé sur les emplois, la culture et les produits locaux, préservant l'environnement et résistant face à de futures crises.

La branche des voyages et du tourisme est un volet important du moteur économique de nombreux pays: au cours des cinq dernières années, elle a représenté un emploi sur quatre dans le monde. Une place de travail sur dix dépend du tourisme et, à l'échelle mondiale, plus de 10% du produit intérieur brut (PIB) sont réalisés dans ce secteur. Les jeunes en particulier y trouvent des possibilités d'entrer dans la vie professionnelle. En 2019  selon l'OIT, le secteur du tourisme a fourni, directement et indirectement, 330 millions d'emplois.

Le tourisme se touve actuellement plongé dans une crise profonde. La pandémie de coronavirus pourrait coûter entre 100 et 200 millions d'emplois comme le craint le World Travel & Tourism Council (WTTC). Des centaines de secteurs économiques y sont apparentés. L'organisation mondiale pour le tourisme (UNWTO) estime qu'en  2020 des pertes de revenus pourront s'éleverse jusqu'à 1,1 billion de dollars US ave 1,1 milliard de voyageurs en moins. En Asie, le nombre de touristes a chuté de 51% entre janvier et mars 2020. L'Europe a compté une baisse des voyageurs de 44%, l'Amérique et l'Afrique de 35%.

Mais le secteur du tourisme est également résilient et capable d'adaptation, sans quoi il n'aurait pas surmonté les nombreuses tragédies des dernières décennies: tsunamis, tremblements de terre et autres catastrophes naturelles, attentats terroristes ou crise financière.

Dans la premère étape après le coronavirus, les espoirs reposent sur le tourisme intérieur. De plus, la crise offre l'opportunité de reconsidérer et de réorienter les voyages – dans le sens d'un tourisme durable, qui préserve l'environnement et le climat. L'avenir doit être tourné vers un tourisme qui respecte les communautés d'accueil et leur culture, crée des emplois stables dans des conditions décentes et permet ainsi des revenus et un développement économique à long terme.

Albanie: le tourisme de masse et son effet domino

En Albanie, 25% des personnes actives professionnellement travaillent dans le secteur du tourisme, qui représente 27% du PIB. Le gouvernement albanais a très vite réagi quand les premiers cas de coronavirus se sont déclarés: le pays a été bouclé, la liberté de déplacement limitée, les frontières terrestres et maritimes ont été fermées au trafic privé. Un plan de secours doit sauver l'économie.

Sur mandat de la DDC, Helvetas s'engage contre le chômage élevé des jeunes en Albanie, en formant des jeunes pour qu'ils décrochent des emplois qualifiés – notamment dans le tourisme durable. Ce projet apporte maintenant un éclairage inattendu sur la résistance à la crise de cette niche du tourisme mondial – et souligne en même temps les faiblesses du tourisme de masse.

Les entreprises qui dépendent du tourisme de masse ont des frais fixes élevés et doivent réaliser leur chiffre d'affaires annuel pendant la haute saison. La pression sur les coûts est généralement forte, car l'expérience montre que ceux qui participent à des voyages organisés comparent les prix. Les emplois liés aux destinations de tourisme de masse sont le plus souvent limités dans le temps et précaires. De plus, la plupart des entreprises sont habituellement liées contractuellement à un nombre restreint de voyagistes internationaux, qui doivent assurer la charge d'exploitation. En Albanie, cela signifie que plus de cinq millions de nuitées ont été annulées à ce jour en 2020, en raison de la pandémie de coronavirus.

Le tourisme durable: une niche de résilience

En revanche, les prestataires de tourisme durable ont des coûts fixes moins élevés et une clientèle plus diversifiée. Les personnes qui veulent voyager de manière durable attachent davantage d'importance à la qualité de l'expérience qu'à un prix bas. Elles voyagent non seulement en haute saison, mais aussi au printemps et en automne. Selon Elton Çaushi, un des fondateurs d'Albanian Trip, beaucoup de ses clients ont reporté leur voyage planifié en 2020 plutôt que de l'annuler. «Toute notre clientèle suisse qui a dû renoncer à un voyage prévu au printemps a laissé la porte ouverte pour partir en septembre et octobre.»

Par ailleurs, les organisateurs de voyages durables nouent généralement des relations professionnelles à long terme avec leurs différents fournisseurs et partenaires. La plupart des partenaires d'Elton Çaushi sont de petites entreprises familiales à la campagne. «Ce sont toujours des agriculteurs qui ont d'autres sources de revenus. Ils survivront à cette crise». Cette coopération locale à long terme garantit en outre que les bénéfices restent dans le pays au lieu de partir à l'étranger. Albanian Trip profite également de la pause forcée du coronavirus pour tester des nouveautés: autres circuits touristiques, meilleurs déroulements et logistique ou encore une gestion plus performante des déchets.

Mais pour autant, cela ne signifie par que les petites agences de voyage sont épargnées par des difficultés. Dans les montagnes du nord du Vietnam, où des personnes de minorités ethniques accueillent chez elles des voyageurs internationaux et leur offrent un aperçu de la culture locale, 80% de ces revenus n'ont pas été possibles. L'inquiétude est grande sur place. Ceux qui tentent de faire venir des touristes nationaux sont en concurrence avec les stations balnéaires confortables. Les petits prestataires touristiques manquent de ressources et de réserves. Et pourtant, le tourisme intérieur offre la possibilité de compenser au moins une partie des pertes dues au coronavirus et de relancer l'économie nationale, car la valeur ajoutée reste dans le pays.

Temps d'une relance prudente

À quoi ressemble le redémarrage après la crise? Ceux qui veulent voyager voudront-ils rattraper ce qu'ils ont apparemment manqué? Ou bien ont-ils tiré les leçons de la crise et apprécieront-ils à l'avenir le local, la lenteur, la modération?

Selon le groupe de travail «tourisme et développement» (akte), la crise montre où les perspectives peuvent conduire: par exemple, la réservation dans une agence de voyage offre plus de sécurité et un meilleur soutien que la chasse aux bonnes affaires sur des plateformes en ligne anonymes. Au lieu de revenir au «business as usual», la pression économique sur les entreprises et les employés doit être résolue, par exemple avec un revenu de base inconditionnel financé par une taxe numérique – aussi sur des plateformes de réservation – une taxe sur les transactions financières ou une taxe de séjour globale. «Cela laisse de la place à une nouvelle orientation de ce secteur économique, qui ne peut contribuer au développement durable que par un changement fondamental», écrit fairunterwegs, le portail de voyage indépendant et sans but lucratif du groupe de travail akte.

Durable signifierait respecter les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat, l'Agenda 2030 et les droits humains. Mais cela contredit la politique actuelle de nombreux pays, qui consiste à soutenir les compagnies aériennes avec des milliards sans «plan de relance durable». Fairunterwegs suggère qu'à l'avenir, les compagnies aériennes et les aéroports veillent à la protection du climat, à l’efficience énergétique, à la réduction des déchets, à la biodiversité, à une mobilité respectueuse de l'environnement, à des conditions de travail équitables, aux circuits régionaux et à l'égalité des chances. «Ils doivent enfin internaliser les coûts externes, notamment ceux de leurs émissions de gaz à effet de serre, et appliquer des prix réels, y compris avec une taxe sur le CO2».

Responsable de programme Europe de l'Est et Caucase du Sud / conseiller senior Chaînes de valeur et développement de marchés
Rédactrice
Rebecca Vermot