© Helvetas/Rose Congo

L'urgence de soutenir les entreprises

La crise sanitaire et les mesures de riposte à la Covid-19 ont impacté l’activité de plusieurs agriculteurs, transformateurs et commerçants. Le PAPEA a facilité le développement de solutions partagées et mis à disposition un fond d’urgence pour financer des investissements systémiques.
PAR: Bernard Conilh de Beyssac - 03 septembre 2020
© Helvetas/Rose Congo

La fermeture des frontières et des marchés, l’immobilisation des transports publics, et la mise en quarantaine des villes,  mesures adoptées en mars 2020 par le gouvernement du Burkina Faso pour limiter la propagation du Corona Virus, ont eu un impact très fort sur les entreprises agricoles partenaires du Programme d’appui à la promotion de l’entrepreneuriat agricole (PAPEA).

Le projet, financé par la Coopération Suisse, est mis en œuvre par le consortium Helvetas / SNV, avec la collaboration de quatre co-facilitateurs régionaux dans les Régions du Centre-Ouest, du Nord, des Hauts-Bassins et des zones péri-urbaines de Ouagadougou et de Bobo Dioulasso. En début 2020, juste avant la crise sanitaire provoquée par la pandémie de la COVID-19, il a facilité la création de premiers clusters d’affaires dans les filières agro-sylvo-pastorales identifiées comme prioritaires.

Dès que les premiers cas du Corona virus sont apparus au Burkina Faso et le plan de riposte gouvernemental a été lancé, le PAPEA a facilité l’échange entre producteurs, transformateurs, commerçants et prestataires de service de chaque filière pour évaluer les impacts de la crise et élaborer ensemble des stratégies d’urgence pour faire face à la nouvelle situation.

Les conséquences de l'épidémie et des plans de riposte ont particulièrement touché les acteurs économiques des filières mangue, oignon, lait, œuf et volaille.

Les effets de la crise

Quels sont donc les effets les plus évidents de la crise ? En premier lieu, il y a eu une réduction significative de la trésorerie familiale et entrepreneuriale, due à la perte de moyens de subsistance pour de nombreux acteurs des systèmes de marchés, en particulier les acteurs informels qui ont rencontré des difficultés à obtenir l'autorisation d'opérer dans les marchés et dans la rue. Les mesures gouvernementales, notamment le blocage du transport et la fermeture des frontières ont provoqué un retard dans la livraison de la matière première au niveau des différentes unités de transformation ou des points de commercialisation. Les retards de livraison ont entrainé la pourriture des produits récoltés. Les producteurs étaient aussi confrontés au problème d’approvisionnement en intrants (aliments, produits vétérinaires, etc.) pour l’entretien des animaux.

Les transformateurs ont aussi dû faire face à plusieurs difficultés, notamment : l’augmentation des frais de transports et le prix de certains produits utilisés dans l’activité, l’indisponibilité des emballages et des intrants, la réduction de la qualité des produits mis sur le marché. De plus, le manque d’informations et la confusion sur comment poursuivre les activités dans le respect des mesures de prévention a amené à une fermeture plus ou moins longue des unités des transformation et de conditionnement générant une baisse des heures du travail et des produits livrés. Par conséquent les travailleurs, surtout les femmes employées saisonnières, ont subi une perte de revenus.

De leur côté, les commerçants ont été confrontés à la lenteur de l’écoulement des produits vendus et au problème de ravitaillement et de distribution.

Au-delà des effets immédiats de la crise il y a plusieurs risques encourus par les producteurs et les entreprises agricoles liées à l’incapacité de respecter les contrats avec les partenaires, à la baisse du chiffre d’affaire et de la trésorerie, et par conséquent à une limitation de la capacité d’investissement pour les campagnes prochaines.

L’ensemble de ces difficultés ont particulièrement touché les acteurs économiques des filières mangue, oignon, lait, œuf et volaille. D’une part, la crise sanitaire a coïncidé avec la pleine campagne et la période favorable à la récolte et à l’écoulement des produits, et d’autre part, la majorité des produits récoltés ou transformés n’ont pas une longue durée de conservation.

Avec l'appui du projet deux types de mesures ont été mise en place: sanitaires, pour limiter les risques de propagation du Corona virus, et économiques pour mettre les acteurs en condition de maintenir les activités essentielles au système de marché et de s'adapter aux changements.

La réaction du PAPEA

Dans le cadre du PAPEA, les clusters d’affaires en place ont réagi de façon rapide et adaptative grâce à la facilitation de dialogues d’affaires d’urgence permettant d’échanger des informations, de faire le point sur la situation et les risques potentiels, et de se mettre d’accord sur les activités collectives d’urgence. Deux types de mesures ont été priorisées et mises en place avec l’appui du programme :

1)  Des mesures sanitaires permettant aux institutions et aux entreprises agricoles les plus touchées d’adopter rapidement des attitudes, comportements et procédures limitant la propagation du COVID-19. Le projet a installé des lave-mains, distribué des masques, et du gel hydroalcoolique dans les unités de transformation et de ventes, mis en place des activités de sensibilisation sur le Coronavirus, formé les employés et les chefs d’unité, aidé les entreprises et les organisations paysannes et de la société civile a s’organiser pour continuer leur action en toute sécurité malgré les restrictions liées à la pandémie ;

2)     Des mesures économiques, qui met les acteurs en conditions de maintenir les activités essentielles au système de marché et d’adapter les modèles économiques aux nouvelles contraintes et opportunités d’affaires. A cette fin le PAPEA a créé un Fonds d’opportunités pour financer des investissements systémiques d’urgence.

A côté des partenaires

Dans la zone périurbaine de Ouagadougou, le fonctionnement du « cluster d’affaire tomate de Saaba » et du « cluster d’affaire volaille de Koubri » était particulièrement menacés par les mesures sanitaires. Pour la volaille de Koubri, le dialogue d’affaire d’urgence a permis à la fois de comprendre les risques et de proposer des solutions d’urgence. Ainsi, les aviculteurs avaient du mal à s’approvisionner en aliment-volaille de qualité, ce qui menaçait la production.

Lire le témoignage de l’entreprise Dash in Glory productrice d’aliment-volaille de qualité qui s’est proposé d’augmenter sa capacité de production et de distribution grâce à un investissement rapide dans sa chaîne de production.

La lenteur dans le transport de la volaille augmentait les risques de mortalité et les marchés et restaurants de la capitale, étant fermés, les débouchés restaient plus limités. Le groupement Teltaba s’est alors proposé d’augmenter sa capacité d’abatage et de conservation de la viande de volaille dans les conditions d’hygiène appropriées, afin de répondre à une demande urbaine en quarantaine ne pouvant s’approvisionner sur les marchés. De même, la Charcuterie Moderne de Koubri et le Comptoirs des Saveurs ont proposé d’augmenter leurs capacités de transformation locale et de développer un service de petite livraison directement auprès du consommateur et des épiceries-boucheries urbaines. 

© Helvetas/Rose Congo
«« Mes produits sont restés stockés pendant des jours et ont perdu de leurs qualités»

Monique M’Baye, responsable de l’entreprise Dash in Glory

À la suite du dialogue d’affaire au sein du cluster tomate de Saaba, les producteurs, les unités de transformation et les revendeuses grossistes ont prévu des investissements systémiques d’urgence  qui permettront à la coopérative de producteurs d’assurer une production minimale de qualité avec la rénovation du système d’irrigation, un équipement de calibrage et de transport ; à deux unités de transformation locale d’augmenter leurs capacités de production de purée de tomate, de tomates séchées, de conditionnement et de livraison ; au réseau des « grandes revendeuses » de tomates d’organiser la collecte, la distribution et la revente des stocks selon les règles sanitaires en place

« On n’avait presque plus rien à manger » confesse Thérèse Kientega, apicultrice. Les mesures anti COVID-19 ont mis en difficulté la campagne de récolte du miel dans la Région du Centre-Ouest, et menacé la survie de petits apiculteurs dont plusieurs femmes.  Afin de maintenir une qualité commerciale du miel brut, il était essentiel de l’écouler rapidement vers des mielleries professionnelles ou de le filtrer sur place afin d’augmenter la période de stockage sans détérioration de la qualité. Le PAPEA a appuyé l’association WEND PUIRE dans l’installation de mielleries et le renforcement des capacités des producteurs.

En savoir plus sur la stratégie d’urgence mise en place sur la filière apiculture au Centre-Ouest.

 

© Helvetas/Oumar Coulibaly
««Nous devons nourrir nos enfants et payer les frais de scolarité. S'il n y a pas de travail cela devient compliqué» »

Ramata Konkobo, employée saisonnière

La filière de la mangue dans la Région des Hauts-Bassins a été particulièrement impactée par les mesures de riposte à la Covid-19. Les activités de séchage ont démarré en retard avec des conséquences sur la production et le travail ; « Dans les conditions normales on produisait 500 kilogrammes de mangue séchée par jour, mais avec la crise on arrive à 200 kilogrammes au maximum » explique Sarata Bostal de l’Association PAOLINE basé à Bobo Dioulasso. Beaucoup des femmes employées les années passées n’ont pas pu reprendre le travail à cause de la baisse de la production.

Lire : Les défis de la filière mangue face au Covid-19

 Une étude réalisée par le PAPEA dans la région montre que la crise a touché aussi les filières de la volaille et du lait. A cause de la quarantaine des villes et de la fermeture des restaurants les producteurs d’œufs et du poulet ont connu une forte réduction des ventes et de revenues.  

En savoir plus sur le soutien du PAPEA aux partenaires de la filière volaille  

© Helvetas/Oumar Coulibaly
««Nos plus grands clients, les hôtels, étaient fermés et les grilleurs ne pouvaient plus mener leurs activités. Il n’y avait plus de marché»»

Seydou Keita, vendeur de poulet à Bobo Dioulasso

La pandémie a provoqué une augmentation de prix d’aliments du bétail et une chute de la consommation ce qui a entraîné des difficultés et des pertes tout au long de la filière du lait

« On était obligé de vendre le lait de porte-à-porte, de mettre les gens en congé, de diminuer le nombre du personnel » raconte Yacouba Korbeogo, président de la coopérative des producteurs de lait Ben Kadi, basée à Bobo Dioulasso.

Lire : La filière du lait obligée de se réinventer  

Dans la Région du Nord, c’est toute la filière oignon à Tougou, regroupant près de 500 producteurs et productrices, qui est menacée, notamment face à la difficulté d’écouler les 250 tonnes d’oignons frais qui s’accumulent sous les arbres sans autre capacité de stockage et de transformation. Le dialogue d’affaire a permis aux acteurs de se mettre d’accord sur l’urgence d’une part, de déployer une capacité locale de stockage de l’oignon avec l’adoption d’une trentaine de greniers tilgr-baoré qui ont déjà démontré leur efficacité, et d’autre part, d’augmenter une capacité d’un magasin de stockage dans la commune de Namissiguima. Cela permettra d’éviter le gaspillage et des pertes post-récolte, et donc de maintenir un revenu raisonnable pour les producteurs et productrices, de créer de nouveaux emplois saisonniers pour le stockage et le séchage de l’oignon.